A voir l’air d’Amanda, ma réponse, qui se voulait honnête n’était visiblement pas ce qu’elle attendait. Je l’avais recherché, pendant un temps fou. C’était une zone de guerre et devant moi il y avait des personnes qui avaient besoin d’aide, des personnes réelles, en souffrance. Que devais-je faire. Les laisser à leurs sorts, c’est-à-dire mourir pour chercher une personne probablement morte. Pourrait-elle entendre ceci ou tout simplement le comprendre ? Je n’en savais rien. Quoi qu’il en soit j’étais conscient qu’à ces yeux je serais toujours le « méchant » celui qui l’a laissée. Ce qui est tout à fait vraie. Mais il y a tant de choses qu’elle ne sait pas car je n’avais pas le droit de parler. Le classement top secret… Si je trahissais c’était la prison assurée voir pire. Mais ça elle n’était pas au courant. Ma vie n’avait jamais été simple et j’avais fait de mon mieux pour lui assurer le confort et la sécurité.
Je passais machinalement les mains sur bas de mon visage. J’étais ennuyé, non inquiet car conscient que cette rencontre était importante pour la suite de notre relation. J’exagérais peut-être si je disais que tout se jouait là. En fait, peut-être que oui…
Quand elle me répondait qu’il était préférable d’en rester là, et qu’elle ne voulait pas me faire perdre mon temps qui était si précieux. Je percevais à la fois de la provocation et des reproches. Toujours les mêmes.
Habituellement je n’aurais rien répondu. Mais là, c’était différent. La CIA n’existait plus, je ne pourrais plus être accusé de trahison. Je pouvais enfin lui dire ce que j’avais sur le cœur. Je n’avais pas forcément envie de tout déballer en public mais si je ne faisais rien à ce moment précis ça serait définitivement perdu.
Mes sourcils se fronçaient, je n’étais pas en colère, mais fatigué, agacé de ces reproches alors ne pas l’avoir retrouvé n’était pas une faute compte tenu de la situation. A un moment donné, il faudrait qu’elle relativise un peu.
Je fis quelque pas vers elle, déterminé. Une fois devant elle, je lui faisais face. C’était enfin à moi de vider mon sac.
A un moment donné. Il faudrait que tu saches ce que tu veux.
Avant la catastrophe, tu m’as bien fait comprendre que tu ne voulais plus rien à avoir à faire avec moi. Malgré cela j’ai continué de veiller sur toi mais de loin comme je l’avais toujours fait.
Tu ne le sais pas, mais j'ai toujours eu un oeil sur toi.
Finalement ce n’était pas aussi facile de « parler ». J’avais peur de ne pas dire les bons mots et de faire empirer la situation. Mais je m’étais lancé. Je ne pouvais plus reculer. Je la regarder droit dans les yeux. Mon regard reflétait à la fois ma tristesse et ma colère. Mon visage était fatigué, usé par le temps mais aussi cette vie de baroudeur toujours sur le qui-vive et en danger permanent. Le voyait-elle ? Probablement pas.
Mon allure avait beaucoup évolué. Dans le passé, je ressemblais à un homme passe partout. Propre sur lui qui pouvait soit être homme d’affaire, soit ouvrier. Actuellement, avec les cheveux un peu trop longs, en bataille, une barbe de quelques semaines, de vieilles cicatrices visibles sur les bras mais aussi sur le visage. Je ressemblais plus à un soldat qu’à un faux prof comme l’indiquait ma couverture.
Je n’ai jamais été prof. En réalité, je bossais pour la CIA. Ca je n’avais pas le droit de te le dire sous peine d’accusation de trahison. Mes employeurs se fichaient de ce qu’il se passaient dans ma vie privée. Eux ne voyaient qu’une chose, les cibles et les résultats.
Brook… Je…
Prononcer son prénom était toujours douloureux. Il me fallu un temps pour reprendre la parole car je ne voulais pas trop me montrer faible. Pour cela, je me focalisais sur ma respiration pour rester calme.
Je posais ma main droite sur ma poitrine au-dessus de mon cœur et le tapotais quelques fois, légèrement.
Quelque chose est mort en moi, avec elle. Toi tu as perdu ta mère, moi j’ai perdu mon âme sœur. La seule famille que j’ai eu avant ta naissance.
J’étais brisé et je ne voulais pas t’entrainer dans ma descente aux enfers. Je me suis vengé dans mon travail, sur des malfaiteurs ou des terroristes. Je suis devenu quelqu’un de mauvais. Une personne peu fréquentable pour une enfant de ton âge.
Quand je rentrais de mission, je te surveillais. Tu n’étais pas consciente de ma présence. Je suis bon à ce jeu-là. C’est pour ça que mes employeurs ne voulaient pas me lâcher et te menaçaient.
Voila pourquoi j’ai été très absents…
Je ne cherche pas d’excuses. Tu as tout simplement droit à la vérité maintenant que la CIA n’existe plus. Je ne suis pas seulement l’enfoiré qui t’a abandonné. Il y a toujours plus.
Crois-tu vraiment que te voir pleurer toute seule le soir dans ta pension ne me faisait rien ? Penses-tu réellement que je n’avais pas envie de t’emmener loin de tout ça avec moi ?
C’était simplement plus facile de me faire passer pour un monstre. Au moins je savais où tu étais et que tu ne craignais rien…
Je fis un pas en arrière, regardant les gens passer dans le couloir, les ouvertures qui permettaient de voir l’extérieur de la cité. J’étais certains qu’elle croyait que je ne l’avais pas cherchée, que je me fichais d’elle. Mais comme toujours les choses sont plus compliquées qu’on ne le pense.
Je me retournais de nouveau vers elle, les mains dans les poches.
Après les premières attaques, je suis retourné à New York comme j’ai pu. A ce moment-là j’étais en Amérique du Sud. Le trajet fut long, plusieurs semaines. Le temps que j’arrive sur place. Tout avait été soit détruit, saccagé, pillé. Le nombre de morts était horrible. J’ai fouillé tous les lieux où je savais que tu avais tes habitudes. Hélas, l’odeurs des cadavres rendaient impossible toutes mes tentatives de pistage.
Les gens parlaient d’une rumeur concernant une cité protégée qui flottait près de San Francisco. Je savais de quoi il s’agissait. Je me suis dit que si tu étais en vie, tu pourrais avoir l’idée d’y aller alors j’ai pris la route pour m’y rendre.
En chemin j’ai croisé pas mal de gens qui avaient des ennuis. Je ne les ai pas laissés crever sur le bord de la route. C’est mon job depuis ces derniers mois. Je pars en mission pour ramener des gens en sécurité en espérant te trouver dans le lot.
Voila, elle en savait un peu plus. Je ne lui avais pas tout dis, mais j’estimais que c’était suffisant pour le moment. Elle en saurait plus si elle le désirait. Mais ça serait à elle d’en faire la demande. J’espérais avoir était suffisamment honnête et que ma tentative de premier pas n’était pas maladroite.