Je marchais tête baissée, menottée, dans une succession de coursives sombres toutes aussi sales que malodorantes. J'aurais préféré ne pas être en mesure de voire parfaitement dans la pénombre, car cela m'aurait éviter de voir des détails qui donnent la nausée. Ils ne prenaient même pas soins de nettoyer les taches de sang qui jonchaient le sol. Ce qui donnaient l'impression qu'ils nous abattaient directement ici. Je me demandais ironiquement, faute d'espoir, si la sale de dépeçage était dans le coin. J'étais guidée par un de leurs gardiens et suivie par un autre. Leur sécurité était minimale car ils devaient savoir que je ne leur donnerait pas trop de mal en cas de résistance dû à mon petit gabarie de nana qui crève de faim depuis des jours. N'ayant plus aucune valeur pour les Smokers ils ne dépensaient plus grand choses en vivres pour moi. Juste le minimum syndicale pour être revendue. Mon obéissance était aussi due au fait que je n'avais plus la force de me battre, ni même l'envie. J'avais tout perdue. Mon frère venait de m'abandonner et j'allais crever chez une bande de tarés. A ce moment précis, tout ce que je voulais éviter c'était de me prendre des coups inutiles car je souffrais assez à cause de ceux que j'avais reçu lors de mon précédent interrogatoire. Parfois il faut savoir se préserver.
J'entendais de-ci, de-là des prisonniers tapaient sur les portes, se plaindre et hurler. Cela ne changeais pas de mon quotidien chez mes précédents tortionnaires. Lorsque le garde qui me précédais s'arrêta devant une cellule, je compris qui mon chemin s'arrêtais là. Je ne reverrais plus jamais le ciel bleu et je ne respirerais plus jamais d'air pur. Je ne pu réprimer une larme de désespoir qui par chance ne se voyais pas à cause de l'éclairage faiblard de l'endroit.
Le garde ouvrit la porte et m'empoigna vivement pour me placer dans l'entrée de celle-ci et défit mes menottes pour me jetter dans le fond de la cellule déjà habitée tout en ricanant.
Y a pas grand chose à becter sur celle-ci. Dit-le premier gardien.
On s'en fiche, c'est de la viande avariée, elle va servir d'appât. Qui voudrait bouffer du dégénéré... Répondit le second.
Même si j'étais habituée à ce genre de réflexions chez les Smokers, entendre ça faisait toujours autant de mal. Il est impossible de se faire à ce genre de paroles même si on se dit entre nous qu'on se fait une carapace et que plus rien ne nous touche. C'est faut. Les mots font autant de mal que les coups. Au lieu d'atteindre la chaire, ils atteignent l'âme et c'est pire.
Je me relevais péniblement, car le choc sur le sol avait été violent. Je regardais autour de moi, voyant cinq autre prisonniers hommes et femmes confondus. Il n'y avait pas de source d'éclairage ici, la seule source lumineuse venait du couloir et passait par les trappes de la porte. Autant dire qu'un humain n'y verrait rien. J'observais les prisonniers qui s'étaient tournés vers moi sans bouger de leurs coins. Ils étaient assis, ou allongés à-même le sol qui lui-même était jonché d'immondices. J'en avais des hauts-le cœurs. Les smokers avaient beau être des enfoirés ils étaient plus propres.
La manière dont ils me fixaient m'inquiétait. J'étais une intruse, la dernière venue qui leur piquait un peu plus de leur espace vital. Mais il y avait plus et je rependais aux mots d'un des gardiens qui avait balancé ce que j'étais. Je réalisais tardivement et avec effrois qu'il l'avait sans doute fait exprès et que j'allais sans doute en prendre plein la gueule pour pas un rond.
Un homme se leva, il me fixait avec dégout, il fit un pas vers moi. Mon expérience de ce genre de situation me permettait de savoir que ça serait lui qui s'occuperait de mon cas.
Cette merde est à moi. Dit-il d'une voix froide et grave.